Deux biographies de femmes d’exception

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C’est l’histoire d’une américaine à Paris qui fut probablement l’une des plus grandes journalistes de son époque, et reste cependant méconnue. Pourtant, durant 50 ans, Janet Flanner chroniqua avec humour et vivacité la vie parisienne pour le New Yorker, en véritable témoin de son temps.
C’est son flamboyant portrait que dresse ici Michèle Fitoussi en même temps qu’elle rend hommage à une femme libre qui fut une véritable pionnière.

Janet grandit dans une famille quaker d’Indianapolis et très vite se montre avide d’indépendance. Apprentie journaliste, elle se rêve auteur mais commence par être critique de théâtre et de cinéma ; elle connait alors la vie bouillonnante dans le New York d’après guerre avant de tomber définitivement amoureuse du Paris littéraire et artistique et d’en devenir une figure incontournable, grâce à son écriture unique et son esprit d’analyse, au milieu des Ernest Hemingway, F.Scott Fitzgerald ou Gertrude Stein. Obstinée et dotée d’un fort caractère (cf l’anecdote de l’altercation entre Gore Vidal et Norman Mailer), elle ne se laissa jamais dicter sa conduite en dépit de son milieu d’origine et des préjugés de l’époque, ou parce qu’elle était une femme au milieu d’hommes. Sa vie personnelle fut aussi riche que sa vie professionnelle, gardant à vie des liens forts avec les femmes (Solita, Natalia…) qu’elle aima – ou peut-être aussi parce qu’elle s’avérait incapable de les quitter tout à fait. Très documenté, très détaillé, ce récit rend les honneurs à une femme précurseuse qui ouvrit sans aucun doute la voie à beaucoup d’autres.

JANET, Michèle Fitoussi, JC Lattès

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Après avoir dressé le portrait de Marthe, la muse de Bonnard, dans « L’Indolente » (disponible chez J’ai Lu), Françoise Cloarec nous raconte ici la relation tendre et particulière entre la peintre Marie Laurencin et la couturière Nicole Groult.
Je connaissais déjà un peu l’oeuvre de Marie Laurencin, son style immédiatement reconnaissable, vaporeux et fluide, aux tons roses et gris très doux, ces portraits de femmes gracieuses aux yeux de biche ; je ne connaissais en revanche pas du tout Nicole, styliste et soeur du couturier Paul Poiret, en dehors du fait qu’elle soit la mère des deux écrivaines Benoîte et Flora Groult.

Lorsque ces deux femmes se rencontrent, elles ont déjà un certain vécu sentimental et professionnel – Marie en particulier fut longtemps la maîtresse de Guillaume Apollinaire à qui elle inspira de nombreux textes ; elle fréquenta le fameux Bateau-Lavoir de la belle époque montmartroise et ses non moins fameux occupants, Picasso, Derain, Braque… Toutes deux se reconnaissent : originales et non conventionnelles, sensibles et gracieuses, elles resteront liées jusqu’à la fin.
L’auteure raconte avec précision comment des femmes en avance sur leur temps conquirent leur liberté, leur indépendance et leur place dans des milieux et à une époque où cela n’allait pas de soi. Elle n’occulte pas non plus les quelques nuages assombrissant la vie de Marie Laurencin (l’exil forcé en Espagne avec son époux allemand durant la guerre, des opinions discutables) et livre un portrait très documenté (grâce notamment aux souvenirs de la féministe Benoîte Groult et aux centaines de lettres échangées) de la « dame du cubisme ».

J’AI UN TEL DESIR, Françoise Cloarec, Editions Stock

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